On se demande parfois ce qu’aurait été notre vie si on était né ailleurs, dans une autre famille, à une autre époque. On se demande si on aurait été plus heureux, plus aimé, plus riche, plus beau, quel genre de personnes on aurait côtoyé. On se surprend à rêver d’une autre existence à laquelle on n’aura jamais droit, une existence illusoire qu’on pense vivre la nuit dans nos songes les plus secrets. On ferme les yeux, on se coupe du monde dans lequel on évolue pour devenir souverain d’un univers fantastique dans lequel on contrôle tout, dans lequel on a tout ce que l’on veut. Alors le matin on ouvre de nouveau les yeux et on subit notre existence avec tous les défauts qu’elle comporte, on se demande pourquoi nous et pas un autre. Pourquoi on vit ? Pourquoi on meurt ? Pourquoi on rit ? Pourquoi on pleure ? Pourquoi, pourquoi, tant de questions auxquelles on ne répond jamais. Toute sa vie on part en quête d’un "Grand Peut-être", toute sa vie on se demande si on a fait les bons choix, si malgré le fait qu’on n’ait pu choisir l’endroit d'où l'on vient, on peut toujours choisir où l'on va.
« Maman, je sors ! Je peux avoir de l’argent ? » Madame Blackwood apparut dans la cuisine, perchée sur ses talons hauts et lunettes de soleil sur la tête. Elle tendit à sa fille un billet de cent livres, comme si il avait s’agit d’un vulgaire bout de papier. « Reviens avant trois heures, d’accord ? » ordonna-t-elle en quittant la pièce. Voilà son quotidien : il se résumait au lycée la journée, et aux sorties la nuit. Vivant dans le centre de Londres, elle avait une liberté et une indépendance inégalables. Flora se sentait libre, Flora profitait de sa jeunesse, de son argent, de sa beauté, de sa popularité. Elle était constamment entourée des autres, filles comme garçons, qui s’amusaient de son côté superficiel, son goût prononcé pour la fête et surtout pour son franc-parler qui faisait d’elle une alliée de choix. Pourtant, ça n'avait pas toujours été facile : mannequin, riche à millions, on l'avait au début rejetée avant de se rendre compte qu'elle n'était pas différente des autres élèves et qu'elle ne pensait qu'à être une fille comme les autres. Flora n’avait peur de rien, Flora était immortelle. Mais comme tout le monde, elle cachait des souffrances qu’elle ne voulait pas qu’on découvre. Sa plus grande peur, c’était qu’on connaisse ses faiblesses. « Hé poupée, ça te dirait d’aller boire un verre ? » demanda un garçon plus âgé en l’observant des pieds à la tête. Elle portait une mini-robe rouge et des escarpins à talon noirs, elle était provocante et désirable sans pour autant être vulgaire. Elle croisa les bras et hausse un sourcil. « Tu sais ce qu’on dit chéri, mieux vaut être seule que mal accompagnée. » Ses amies gloussèrent et, bras dessus, bras dessous, elles s’enfoncèrent dans les rues de la ville à la recherche de la maison où elles devaient retrouver les autres, pour une nuit de débauche. Personne ne l’attendait à la maison. Personne ne se souciait d’elle, parce qu’une famille, elle n’en avait pas. Ne pas en avoir était un grand mot certes : son père, elle ne l'avait vu qu'une fois, quelques années plus tôt. Il vivait avec sa soeur aînée qui ne lui donnait jamais de nouvelles. Son beau-père, à cause de qui elle était partie de Dallas pour vivre à Londres, était constamment en voyage d'affaire et s'envoyait en l'air avec sa secrétaire. Sa mère, elle, ramenait parfois des hommes à la maison qui laissait des suçons dans son cou. Il n'y avait que son demi-frère qui l'aimait, et c'était le seul qu'elle aimait sincèrement en retour.
Une fois encore, Flora s’était laissée avoir. A trop jouer avec le feu, elle avait perdu. Perdu la tête, perdu les pédales, perdu contre le destin. Recroquevillée contre le mur de sa salle de bain, elle pleurait et hurlait, tapait par terre comme si ça allait changer quoi que ce soit. Sa mère entra, paniquée, tentant de la calmer. « Qu’est-ce qu’il y a ?! Qu’est-ce qu’il y a ?! hurlait Flora, hystérique, mais rien du tout, je suis parfaitement calme ! » Madame Blackwood baissa les yeux et prit de force l’objet que sa fille chérie tenait dans ses mains. Elle trembla un peu et releva ses yeux vers elle, visiblement choquée. « Tu es enceinte chérie ? » Alors elles pleurèrent dans les bras l’une de l’autre pendant ce qui leur sembla être des heures, avant qu’elles s’endorment sur le carrelage froid de la salle de bain. Elles se promirent de ne jamais parler de ça après l’avortement, afin que personne ne soit au courant. Ce fut bien là le seul secret qu’elles partagèrent de toute leur vie. Mais ce n’était pas le seul secret de Flora, qui avait un autre vice caché : la kleptomanie. En effet, bien que riche à souhait, la jeune fille passait son temps à voler dans les magasins de luxe avec une dextérité impressionnante. Elle avait un réel don pour ça, jusqu’à ce qu’une caméra de sécurité se montre plus ingénieuse qu’elle. On l’arrêta et l’emmena au poste de l’arrondissement. « Vous me le paierez pour m’avoir foutu la honte devant tout le monde ! » criait-elle à l’agent de police, comme si son crime n’était rien en comparaison avec la punition que l’homme venait de lui infliger en public. Très déçue, sa mère paya pour son erreur mais ne lui adressa plus la parole pendant un moment. « Tu me déçois beaucoup en ce moment, je n’ai pas envie de te parler pour l’instant. » lui dit-elle seulement, tandis que la brune insistait un peu trop. Une seule fois sa mère lui avait dit qu’elle était déçue d’elle, une seule : lorsqu’elle était tombée de cheval, quatre ans plus tôt, et qu’elle n’avait pas pu réaliser le rêve de madame Blackwood : devenir une cavalière réputée et gagner des compétitions. Sa propre tristesse n’avait pas suffit, elle avait du affronter le regard de sa génitrice. Et aujourd’hui ça recommençait, et c’était insupportablement douloureux. « T'inquiète pas Flora, elle est juste choquée. Elle ne t'en veut pas vraiment. » avec déclaré son demi-frère. Elle sourit et l'enlaça, avant de soupirer.
« Salut ! » Flora haussa un sourcil et se retourna. Se tenait devant ses amies et elle le nouvel élève, tout juste arrivé. Parait-il qu’il avait été renvoyé de son lycée après avoir été attrapé avec de la drogue, ou en train de racketter des élèves plus jeunes. Le genre typique de personnes qu’il fallait éviter. « Qu’est-ce que tu veux, abruti ? Pourquoi tu nous parles ? » demanda l’une de ses amies. Un sourire discret et amusé se dessina sur les lèvres de Flora qui était persuadée que, comme les autres, il allait battre en retraite. Personne ne se dressait jamais devant elles. Pourtant, il ne sembla pas déstabilisé. « C’est à toi que je parle Miss Silicone ? Non, c’est à ton amie. Alors sois gentille, ferme la. Tu seras beaucoup plus convaincante. » Les yeux de Flora s’agrandirent et elle éclata de rire, avant de se reprendre. C’était bien la première fois qu’elle assistait à un tel spectacle. « Qu’est-ce que tu veux ? » demanda-t-elle à son tour. Ce dernier passa sa main dans ses cheveux. « Je peux te parler, seul à seule ? » Elle secoua la tête. « J’ai pas le temps là. » répondit-elle en tournant les talons et en continuant sa route. Elles rejoignirent leurs homonymes masculins devant le lycée, qui étaient en train de fumer et baver sur les élèves qui passaient devant eux. « Vous le croirez jamais ! Le nouveau de la classe là, il drague Flora ! » s’exclama « Miss Silicone », ravie de pouvoir attirer l’attention sur elle. Les regards se tournèrent vers la demoiselle qui rougit légèrement et haussa les épaules. « N’importe quoi. » répondit-elle, le cœur battant. Son frère planta ses yeux dans les siens et elle rougit encore plus. Il lui adressa un sourire complice auquel elle répondit, sans grande conviction. Elle s’appuya contre le mur à ses côtés et ferma les yeux. « Tu es partie trop tôt ce matin, on a pas eu le temps de t’en parler … Ton père et ta sœur, ils vont venir à Londres. » Flora faillit s’étouffer sur le coup. Elle se tapa sur la poitrine, toussa et le regarda, choquée. « Qu’est-ce qu’ils viennent faire ici ? Je veux pas les voir ! » Il passa un bras autour de ses épaules et elle ferma les yeux. « Ils m’ont fait trop de mal. » Flora n’était pas une garce, loin de là. C’était le seul moyen qu’elle avait trouvé pour se protéger de la réalité de cette vie qu’elle n’avait pas désiré.
Seule dans sa chambre, Flora était connectée sur facebook, à la recherche de potins. C’est alors que miss silicone, plus communément appelée kimmy, commença à lui parler. Depuis que le nouveau l'avait draguée, elle tirait la gueule. Pas étonnant, puisque Flora et cette dernière entretenaient une relation un peu spéciale. Elle demanda si elle pouvait passer chez elle, ce à quoi elle répondit positivement. Plus tard dans la soirée, elle entra dans sa chambre et ferma la porte derrière elle. « Ça pouvait pas attendre ? » lança Flora en mettant son plus beau vernis rouge attentivement. « Non. Tu te souviens ce que tu m’avais promis ? J’attends toujours. » Flora se figea et haussa les épaules. « Ça n’a aucune importance de toute façon. Enfin, tu t’en fous que je te raconte ma vie non ? Tu me connais, ça suffit. » Si il y avait une chose qu’elle détestait, c’était qu’on la connaisse en dehors de l’image qu’elle donnait aux gens. Kimmy vint s’asseoir devant elle, au pied du lit, et lui lança un regard intense. « Non, Flora. Je ne m’en fous pas. J’en ai marre de te voir souffrir en silence. Tu fais ta garce en permanence, mais je sais que t’es pas comme ça. Alors je veux savoir pourquoi tu te la joues princesse. » Qu’est-ce qu’elle pouvait être belle ! Et maligne, de surcroît. Elle referma son vernis et releva ses genoux sur sa poitrine. « C'est à cause de ma famille, tout ça. J'ai jamais eu le droit d'être moi-même, ça ne suffisait pas à mes parents. Il fallait que je sois mieux, tout le temps. Que je sois la plus belle, la plus talentueuse ... En primaire, ils m'ont changé d'école et ont porté plainte contre la directrice parce que je n'avais pas le rôle principal dans le spectacle de danse. Ma soeur me méprise, mon frère est le seul à m'aimer, je crois. » Elle se tut, l’émotion l’empêchant de continuer. Miss Silicone l’attira contre elle et elle se laissa aller dans ses bras, rassurée par cette présence réconfortante, cette chaleur qu’elle lui apportait. C’était le genre de filles que tous les mecs voulaient parce qu'elle était ce qu'on pouvait qualifier de "bonne", et le genre à ne pas se gêner, sauf que lorsqu'elle aimait. Elle ne regardait plus les autres qui n’existaient plus à ses yeux. Et en l'occurrence, Kimmy éprouvait pour Flora des sentiments intenses, et Flora ne détestait pas faire l'amour avec Kimmy. Elles s'abandonnèrent l'une à l'autre comme si le monde n'existait plus, et sa meilleure amie quitta la maison le lendemain matin, avant que tout le monde se lève.
Au fond, Flora ne pouvait pas se vanter d’avoir une vie extraordinaire pleine de rebondissements alors qu’elle n’avait rien de spécial. Mis à part son côté garce rebelle, mis à part ses beaux yeux bruns et ses cheveux d'une perfection affligeante, mis à part ses notes exemplaires et sa situation familiale pourrie, sa seule fierté était son boulot de mannequin. Repérée à l'âge de quatorze ans dans les rues de Londres, elle avait depuis enchaîné les contrats pour les grandes marques de ce monde. C’était comme ça qu’elle était heureuse, elle n’avait besoin de rien d’autre. Pourtant, il lui en arrivait des choses … Comme sa meilleure amie qu’elle avait perdue après le collège, après que celle-ci l’ait embrassée. Ça lui avait fait un tel choc que Flora l’avait repoussée et n’avait plus voulu lui parler. Pourquoi ? Jamais elle n’avouerait que ça lui avait plu. Et d'ailleurs, elle n'avouerait jamais qu'elle avait eu des relations avec d'autres filles depuis, comme sa meilleure amie actuelle, Kimmy. Ou encore le nouveau qui la draguait de plus en plus ouvertement. Et une fois de plus, elle ne détestait pas ça. Pourtant elle le repoussait lui aussi encore et encore, parce que c’était un loser. Mais pourtant, quand il la regardait, elle se sentait vivante. Elle se sentait belle. Elle oubliait qu’elle était une lycéenne banale. Et sa mère, qui avait accepté de lui parler de nouveau. Et son frère par alliance qui la protégeait du mieux qu'il pouvait des conneries qu'elle enchaînait. Et les manucures, les soirées entre filles, les sorties en boîte de nuit, chez des inconnus, le shopping, le cinéma, les devoirs … Flora n’avait pas une minute à elle. Sa vie était remplie, sa vie était parfaite. Pourquoi changer ? Elle voulait profiter de ses derniers instants de sa vie d’enfant, avant de prendre son envol pour toujours. Parce qu’au fond, elle savait pertinemment qu’après cette année, plus rien ne serait jamais comme avant ...
… Et elle n’avait pas tort. « Attendez, c’est quoi le délire, là ?! QU’EST-CE QU’IL SE PASSE ?! » gueula Flora pour couvrir le bruit. Sa mère courait dans tous les sens et son beau-père, d’un naturel calme, semblait plus énervé que si l'on venait d'annuler un rendez-vous avec sa secrétaire. Son frère, les cheveux en bataille, s’approcha d’elle et la serra dans ses bras. « Putain, il se passe quoi ? » répéta-t-elle, le cœur battant à tout rompre. Des hommes apportaient des cartons par dizaine et les entreposaient dans le salon. « Ton père et ta soeur vont vivre ici quelques temps. Le temps de trouver un nouveau logement. » Le visage de Flora se décomposa. « C’est une blague ? Je t’en supplie, dis-moi que tu déconnes. » Mais devant son silence éloquent, elle comprit que c’était vrai. Flora attrapa son sac et son manteau et fonça vers la porte. « Minute jeune fille, où vas-tu ? » l’interpella sa mère. « Faire du shopping ! » cria-t-elle avant de claquer la porte derrière elle. Elle fonça à travers les rues, avant de fondre en larmes. Flora ne voyait rien, les larmes lui brouillant totalement la vue. Son père et sa sœur ne pouvaient pas venir ici. Pourquoi lui faisaient-ils ça ? C’était comme se faire planter un couteau dans le cœur, c’était insupportablement douloureux. Ils avaient décidé de partir sans elle des années en arrière et elle ne les avait vu qu’une fois. Que cherchaient-ils en venant ici ? A rouvrir ses blessures d’enfance, qu’elle avait enfouie tout au fond de son cœur ? Elle s’assit au bord de la fontaine et essuya avec rage le maquillage qui coulait sur ses joues. Un garçon s’assit à ses côtés et lui proposa un mouchoir. Elle retint un sanglot et le remercia d’une petite voix, légèrement gênée qu’on la voit dans cet état. Elle s’attendit à ce qu’il lui demande ce qu’elle avait, mais la question ne vint pas. Surprise, elle s’enquit : « Tu n’es pas venu ici uniquement par curiosité malsaine ? » Il rit un peu et secoua la tête. « Non, je suis juste là pour m’assurer que tu ne fasses pas de connerie. Tu as l’air désespérée, et je ne suis pas du genre à laisser tomber les gens malheureux. » Flora écarquilla les yeux. « Même les gens que tu ne connais pas ? » Il hocha la tête. « Je ne savais pas qu’il existait des gens aussi gentils. » souffla-t-elle. Flora sentait déjà qu’elle allait mieux. Et elle sourit à son tour.
« Non, Kimmy, pourquoi tu vas à Bristol ?! C’est super loin, on se verra plus ! » se lamentait Flora en pleurnichant sur son épaule. Miss Silicone tapotait sa tête d’un air condescendant, oscillant entre le rire et les larmes. « Il y a une excellente fac là-bas, et il paraît que je serai mieux loin d'ici. Mon frère y habite en plus, ça me permettra d'être plus proche de lui. » Elle tourna lentement les yeux vers l’arbre sous lequel toutes deux avaient l’habitude de s'appuyer, fières d’être au centre de l’attention des garçons qui bavaient devant elles. Son cœur se serra. Qu'est-ce qu'elle ferait sans Kimmy ? Elle n'était rien sans elle, mais sa fierté l'empêchait de le lui dire. Flora savait très bien qu'aussitôt son amie aurait tourné le dos, aussitôt elle s'en voudrait. « Tu peux pas m'abandonner ... » Kimmy serra les dents et lui lança un regard meurtrier. « Je ne t'abandonne pas ! Me fais pas culpabiliser, ça fait assez mal comme ça ! » Elle relâcha Flora et tourna les talons. « Reviens Kim, je ne voulais pas ... Kimberley ! » Elle ne se retourna pas, les joues inondées de larmes. Flora était terrifiée à l’idée qu'elle s'en aille, terrifiée de se retrouver seule. Tout avait changé en si peu de temps ... et tout n’était qu’aventure à présent. Mais cette peur la faisait avancer, la rendait vivante. Quand elle rentra chez elle, son père écarquilla les yeux. C'était la première fois qu'il la voyait pleurer et il semblait paniquer. « Et ben alors ? Tu t’es fait voler ton rouge à lèvre ? » Flora foudroya son père du regard et se remit à sangloter avant de tomber dans ses bras. Ce serait la dernière fois qu’elle pleurerait. Demain serait un autre jour. A sa grande surprise, son père lui rendit son étreinte et ils passèrent la soirée devant la télé à parler de tout et de rien, et surtout de rien. Flora avait toujours haï son père et elle le haïrait encore, mais partager cet instant avec lui lui donna le courage d'avance. C’était bien la première fois que tous les deux étaient complices depuis sa plus tendre enfance, et sa soeur, qui les observa depuis l'encadrement de la porte, sembla ne pas apprécier ce rapprochement si soudain.
Tout se passa très vite dans les jours qui suivirent. Flora intégra la fac d’art de la ville, optant pour des études de cinéma qui la faisaient rêver. Elle s’engueule à maintes reprises avec sa sœur, se réfugiant dans la chambre de son frère par adoption. Elle se disputa encore avec Kimmy qui coupa les ponts. Elle fit un shooting pour le magazine Vogue, et rencontra ses nouveaux amis, à la fac. Elle ne savait pas si elle était heureuse, ou malheureuse, ou peut-être les deux. Son père et sa sœur s’installèrent dans leur propre maison et elle fut soulagée de les voir moins souvent, même si ils passaient régulièrement. Son beau-père détestait autant qu’elle cette situation, et sa mère semblait terriblement gênée en compagnie des deux hommes de sa vie. Flora la soupçonnait de coucher de nouveau avec son père, ce qui l’énervait au plus haut point. Elle détestait les adultes et était terrifiée à l’idée d’en devenir une elle-même. « J’ai peur de leur ressembler. Regarde, je ressemble déjà à ma mère. » confia-t-elle à son frère, qui éclata de rire. « Tu n’as qu’à changer, Flora. Puisque tu en as conscience, tu peux décider de ne pas être celle que tu détestes. » Il avait toujours les mots pour la réconforter, et elle l’adorait. Sa vie à lui n’était pas plus simple et elle était pourtant incapable de l’aider en retour. « Je suis désolée tu sais, je suis terriblement égoïste. Mais je t’aime, je veux que tu le saches. Et quand tu ne vas pas bien, parle m’en, d’accord ? Je n’arrive pas à voir quand les gens sont malheureux, parce que je m’intéresse trop à mon propre bonheur. »