C'est l'histoire d'un jeune homme et d'une jeune femme au début des années 90. Ils sont beaux, ils fument et ils écoutent Nirvana. Ils aiment les virées en voiture et faire la fête. Ils ont un tas d'amis. Cela dit, ils sont un peu cons, ce jeune homme et cette jeune femme. Ils pensent que le monde est à leur pied, que tout est à leur portée et le mot conséquence n'est pas dans leur vocabulaire. Pourquoi il le serait ? Tout va toujours bien, pour eux. Et si ça allait mal, et bien, ils trouveraient un moyen de retourner la situation. Il faut dire que ces cons sont très intelligentes, ou du moins, ils savent se démerder. Si seulement ils savaient...
La jeune femme se nomme Elina Svendsen. Elle est belle, blonde et suèdoise. Ses parents se sont installés en Angleterre quand elle était toute jeune, elle parle couramment l'anglais. Seul un léger accent transparaît lorsqu'elle prononce certains mots, mais c'est ce qui la rend irrésistible. Elina vient d'une bonne famille. Des gens aisés financièrement et intègres. Un peu coincés, par contre. S'ils étaient au courant pour les passes-temps de leur fille... bien sûr, Elina sait jouer la comédie. Vendredi soir ? Mais non, elle n'était pas en train de se défoncer avec son petit copain Steven à l'arrière d'une voiture en écoutant du rock. Elle était à une soirée pyjama organisée par une de ses amies, c'est évident.
Le jeune homme, lui, a pour nom Steven Sanders. Il est grand, il est beau et il a ce petit côté rebelle qui en fait craquer plus d'une. Mais c'est Elina qu'il a choisit. C'est elle qu'il emmène faire un tour, le vendredi soir, alors que ses autres prétendantes restent cloîtrées chez elles à regarder des films clichés en pensant à lui. Steven ne vient pas d'une famille aussi aisée que celle d'Elina, mais bon, elle n'est pas si mal. « Pas si mal », ce n'est pas exactement ce que les parents d'Elina diraient s'ils rencontraient la famille Sanders, mais ils ne le feront probablement jamais. La relation d'Elina et Steven n'est pas assez sérieuse. Ils vont simplement se fréquenter, prendre du bon temps ensemble pendant qu'ils sont encore jeunes, et puis leurs chemins finiront pas se séparer. Elina ira étudier dans une bonne université pour avoir la chance de pratiquer un métier gratifiant. Et Steven, dans tout ça ? L'école, ce n'est pas son truc. Il se trouvera un boulot pas trop compliqué dans un garage ou quelque chose comme ça. Pas besoin de s'en préoccuper pour l'instant. Je l'ai mentionné plus tôt, je crois ; Elina et Steven sont jeunes et le monde est à leur pieds.
L'ennui, c'est que quand on avance sans regarder devant soit, on fini par se planter. C'est ce qui arrive à Elina et Steven. C'était juste une énorme bouteille de vodka, c'était juste un petit oublie, c'es juste arrivé une fois... oui d'accord, mais maintenant, Elina est juste enceinte. Oh, super. Qu'est-ce qu'on fait avec ça ? Premièrement, il faut l'annoncer aux parents. Ce qu'ils font dès qu'ils ont rassemblé assez de courage.
La famille Sanders réagit plutôt bien, c'est à croire qu'ils ne sont pas trop étonnés. C'est que c'est un petit rebelle ce Steven, et un homme à femme en plus. C'était écrit dans le ciel qu'il allait finir par en mettre une enceinte. La famille Svendsen ne le prend pas aussi bien. Oh mon dieu, c'est terrible, qu'ont-ils fait pour mériter ça ? Leur petite Elina, leur princesse...enceinte ? C'en est trop. Ce n'est pas leur fille, ce n'est plus leur fille. Elle va devoir aller vivre ailleurs. C'est ainsi qu'Elina emménage chez Steven. C'est la chose à faire, surtout qu'ils ont décidé de garder le bébé. Dieu sait pourquoi, qu'est-ce que ces deux là vont bien pouvoir faire avec un nouveau né. Heureusement qu'il y a les parents de Steven. Eux, ils ont de l'expérience. Ils vont pouvoir les aider.
Je viens au monde le 14 décembre 1993. C'est une belle journée, la neige brille sur les toits et les petites flocons tombent doucement, tourbillonnant avec légèreté dans la brise hivernale... non j'déconne, il n'y a même pas encore de neige. J'essayais de romancer, un peu...
Mes parents sont pratiquement en état de choc. Au moins, quand ma mère était enceinte, ils pouvaient encore s'imaginer qu'ils étaient jeunes et libres. Là, c'est un peu trop tard - ils se retrouvent avec un bébé qui ne fait que manger, remplir des couches et chialer. Là réalité leur tombe dessus, et en l'espace de quelques mois seulement, ils prennent dix ans. C'est leur impression. À quoi ils ont pensé, en gardant le bébé ? Ils n'ont même plus le temps d'entretenir leur couple, tellement je demande de l'attention. Ils commencent à se désintéresser l'un de l'autre. Tout à coup, Steven trouve Elina trop fleur bleue, et Elina, elle, voit son petit ami comme un bon à rien. L'atmosphère est lourde. Encore une fois, heureusement qu'ils vivent chez les parents de Steven. Sans eux, ils auraient craqué. Et ils se seraient probablement entre-tués.
C'est donc chez ma grand-parents que je grandis. J'atteint l'âge d'un an, puis deux ans. À ce moment, les choses se sont améliorées. Mes parents ont plus de temps pour eux, même si je suis encore toute jeune, et leur relation redevient presque comme avant, à un détail près : ils sont plus sérieux qu'avant ma naissance. Constatant le progrès, mes grands-parents paternels se disent qu'il est temps que Steven et Elina se trouvent leur propre maison. Ils ont l'argent pour le faire, ça fait un moment que mon père a du travail. Ils déménagent donc de chez les Sanders.
Pendant une courte période, la vie leur sourit de nouveau. Ils se trouvent un appart pas trop cher, ma mère se trouve un job à son tour, ils ne m'ont plus dans les jambes parce que je vais au jardin d'enfants... Ça va tellement bien pour eux qu'ils décident que ça irait encore mieux avec un autre enfant. Oui, je sais, moi aussi j'ai du mal à saisir ce semblant de logique. Bref, ils me font un petit frère. À peine quelques semaines après la naissance de celui-ci, la situation commencer à se dégrader. Mon père perd son boulot, ma mère ne peut pas travailler, étant à peine remise de l'accouchement et on se retrouver, comment dire, dans la merde. Mon père refuse qu'on aille supplier ses parents de nous reprendre, il trouve qu'ils ont en déjà assez fait. Ma mère est d'accord et accepte de faire taire son orgueil et d'entrer en communication avec ses propres parents, qui depuis le temps sont redéménagés en Suède. Miracle, la famille Svendsen se sent coupable de ne pas avoir été présente ces dernières années et d'avoir renié Elina (entre autres). Ils se mettent à nous envoyer de l'argent. Par contre, ils ne viennent pas nous visiter et ne demandent jamais des nouvelles de moi ou de mon frère. On est à ce point appréciés.
La vie continue. Je grandis, mon frère grandis, mon père se trouve un job et ma mère reste à la maison pour nous « élever ». En fait, elle ne fait qu'agir en fainéante, elle profite du fait que ses parents envoient de l'argent. Mon père l'a remarqué et il n'apprécie pas. Bientôt, c'est l'arrivée des disputes. Tout part en vrille, entre mes parents, et cette fois, pas question de faire un autre enfant pour améliorer la situation (Dieu merci). Au début, j'ai l'impression que ce n'est que phase, mais je me rends vite compte que ce n'est pas le cas. Les années passent, et les relations dans ma famille se détériorent. J'entre dans l'adolescence avec une attitude négative, des parents instables et mon frère que j'adore pour seul soutient.C'est à cette époque que le théâtre entre dans ma vie. J'ai maintenant un passe-temps, une passion qui me tient éloignée de chez moi. Je découvre que je suis douée pour imiter et interpréter un personnage, et même si je ne l'étais pas, j'adorerais quand même le faire. C'est ce que je veux faire de ma vie.
Inutile de dire que dès que viens le temps de choisir dans quel domaine je vais étudier, je choisis le cinéma. C'est dans ce domaine que je commence mes études, et dans une université assez loin de chez moi. Je suis désormais loin d'Elina, loin de Steven, loin de ces adultes qui ont grandis trop vite, qui en subissent les conséquences et qui sans le vouloir, nous les font subir à moi et à mon frère. Mon frère, mon seul regret. Je me sens mal de l'avoir laissé seul, mais j'ai bon espoir qu'il viendra me rejoindre un jour.