Ma vie est loin d’être passionnante et complètement déjantée. Je n’ai jamais fais le tour du monde, ne me suis jamais marié, ni accomplis d’exploits digne d’être inscrit au Guiness World Records. Pourtant, je ne m’en suis jamais plaint, l’ayant appréciée à sa juste valeur jusqu’à présent. J’ai vu le jour à Atlanta, capitale de l’état de Georgie, d’une mère américaine, Ellen, et d’un père russe, Segueï. Oui, oui, vous l’avez sans doute compris, ceci explique le « sergueïevitch », fils de Sergueï. Enfin soit, on va pas partir dans une explication des coutumes russes sinon, on est pas sorti de l’auberge ! Moi-même, je continue encore chaque jour à découvrir de plus en plus de facettes de ce pays d’où je viens sans y avoir réellement vécu. Oh, bien entendu, j’y suis régulièrement allé pendant mon enfance et adolescence, où pendant les vacances scolaires, on allait loger chez ma babouchka et mon diédouchka - autrement dit, ma grand-mère et mon grand-père. Ils possédaient une magnifique isba, ces maisons typiques en chêne de la Sibérie profonde, dans un village paumé entre Saint-Pétersbourg et le lac Ladoga. Un havre de paix, vraiment. Je crois même que ces vacances estivales, « dans un trou de verdure où chante une rivière », -oui oui, j’adore glisser des citations de poème en plein milieu d’une phrase… Bref, qu’est-ce que je disais ? Ah oui, je crois donc que c’est réellement là-bas qu’à commencer à se pointer ma passion… de la photographie. Vous pensiez à quoi hein, bande de pervers. C’est fou ce que je vous sens dissipé aujourd’hui. J’ai presque envie de vous dire : non, tu sais bien, c’est pas toi, c’est moi. Avec la musique lente et mélodramatique en fond et la voix tout aussi pleurnicharde. Ouais, je suis au taquet. J’aime retourner les situations -ou les gens, c’est selon-, j’aime rigoler et… On ne me prend donc pas beaucoup au sérieux. Du coup, quand je suis réellement sérieux, c’est-à-dire en train de bosser tranquillement au fond d’une bibliothèque, beaucoup rigolent en croyant que je fais une énième blague. Mais, vous savez quoi, j’adore ça. J’adore surprendre, voir l’étonnement dans les yeux de mon interlocuteur, ne sachant sur quel pied danser et quelle attitude adopter avec moi. Puis, j’aime séduire aussi. Mais pas de manière directe, plutôt de façon détournée, par des petites attentions, des sous-entendus… Je suis quelqu’un de très patient, à côté de mon impulsivité notoire. Que voulez-vous ? Je suis à moitié russe et à moitié américain. Les premiers sont connus pour être très dramatique dans l’âme et passionnés, les seconds pour faire tout dans l’excès et se faire remarquer. Oui, mon excuse est piètre mais j’accuse mes origines pour le coup -on se justifie avec tout ce qu’on a, pas vrai ? Mis à part ça, j’ai une petite sœur. Le genre casse-pied, geignarde, avec un sale caractère et… un peu trop canon pour ces messieurs. Quoi ? J’ai beau être son frère, j’ai des yeux, donc je commente. Mais qu’importe, c’est ma petite sœur et, en tant que grand frère digne de ce nom, je la couve comme une poule aux œufs d’or -ouhhh. Elle me détesterait si elle savait ce que je viens de dire. Je crois bien qu’elle me déteste la plupart du temps à cause de ça, parce que je lui dicte sa conduite et la réprimande quand elle sort avec une robe un peu trop courte -que j’adore chez les autres filles, ceci dit en passant, mais pas chez ma petite sœur. Moi, macho ? Non, pas du tout, je vois pas ce que vous voulez dire. Enfin, entre elle et moi, la complicité reste cependant très forte. Malgré ces aspects un chouïa négatif, on s’éclate toujours ensemble lorsque l’on sort. Elle m’aide parfois dans mes techniques de drague, ce qui est assez drôle et qui nous donne des fous rires interminables. Quant à nos parents hein, c’est ça que vous vous demandez ? Comment deux russo-américains ont pu débarquer comme ça à Londres, un peu du jour au lendemain ? Pour tout vous dire, c’est la partie de l’histoire que j’aime le moins, celle que j’évoque très peu ou pas du tout. Notre Le jour de mes dix-sept ans -oui, oui, le jour-même de mon anniversaire-, ma mère a apprit qu’elle souffrait d’un cancer du sein. Cela aurait pu être moins grave s’ils l’avaient diagnostiquée plus tôt mais le cancer semblait s’être « réveillé » dans sa dernière phase. Autant dire que depuis lors, je n’ai plus jamais fêté mon anniversaire, même si ma sœur essaie toujours chaque année d’y remédier. Pour faire court, car je n’aime pas du tout en parler, il lui restait tout au plus six mois à vivre. Autant dire que ce fut six mois de calvaire et une année de terminale chaotique pour ma part. Heureusement pour moi et pour mon père, j’étais bon élève et mes cotes avaient toujours été assez bonnes. Mais qu’est-ce que la réussite scolaire lorsque l’on perd celle qui nous a mis au monde ? Notre première dame de cœur et femme de notre vie ? Ses funérailles eurent lieu au mois de mars, j’étais diplômé en juin… J’avais l’ambition d’aller étudier à NYC, comme ma mère autrefois mais l’envie m’était soudainement passée. Aussi, après avoir fait mon deuil -en quelque sorte-, j’ai pris ma décision. Ce serait Londres, la capitale britannique. Mon père ne s’opposa nullement à mon choix, bien au contraire, il était heureux que je veuille aller de l’avant. Lui-même désirait retourner dans son pays, en Russie. Ma sœur dû alors se résoudre à faire ce dur choix : partir avec son père ou avec son frère. Elle me choisit. Non pas parce qu’elle me préférait, mais tout simplement parce qu’elle ne se voyait pas continuer ses études en langue russe. Je devins donc le tuteur légal de ma sœur -ce qui était plus facile en fonction des administrations étrangères- et nous partîmes donc nous installer à Londres dans un petit appart dont je payais le loyer grâce à mon job de serveur -ce qui est encore aujourd’hui le cas, sauf que ma sœur m’aide aussi à présent.