25 Mars 2002
Cher journal – je dois commencer comme ça ? Je suppose que oui... –,Aujourd'hui c'est mon anniversaire, et maman m'a offert ce journal pour que j'y écrive tous mes secrets, ceux que je ne peux pas lui confier, ou qui me gênent. Je suis contente qu'elle me l'ai offert, il est rouge avec un joli cadenas et un joli stylo assorti. Tout le monde me dit que je ne te tiendrais pas, que je te laisserais dans un coin. Mais non. Je te promets, journal, que j'écrirais dedans tous les jours, ou quand quelque chose d'important arrivera. Croix de bois, croix de fer ; si je mens, je pars en enfer !
15 Novembre 2004
Cher journal,Quelque chose de terrible vient d'arriver. Maman a été transférée à l'hôpital cette nuit, mais papa n'a pas voulu me dire ce qui se passait, il m'a assuré qu'elle allait bien, et qu'elle allait sortir demain matin. Pourtant, quand j'ai entendu papa parler avec un médecin – un chirurgien –, il avait les larmes aux yeux et se contentait de hocher la tête face à ce que l'homme en blanc lui disait. Tout ce que j'entendais, c'était « plus longtemps que prévu », « soins intensifs », « expérimental », « long traitement ». Au fur et à mesure de ce qu'il disait, mon inquiétude grandissait. Maman ne va quand même pas mourir, si... ?
25 Mars 2007
Cher journal,Ce qui devait se passer est arrivé. Il y a trois ans, le médecin avait diagnostiqué quelque chose de très grave chez ma mère : elle était atteinte d'un cancer, et elle allait devoir suivre un traitement expérimental en plusieurs phases, s'étendant sur trois ans. Les premiers mois ont été concluants, mais au fur et à mesure de l'enchaînement du traitement, son état se dégradait. Elle avait réussi à tenir deux ans et demi avant de rendre son dernier souffle, le jour de mon anniversaire. C'est-à-dire aujourd'hui. Néanmoins, je n'avais pas pleuré. Pas devant ma famille, et encore moins devant mon père. Je ne voulais pas lui faire endurer ma tristesse en plus de la sienne. Je ne pouvais tout simplement pas faire ça. Je me contentais de le consoler, autant pour lui que pour moi-même.
25 Mars 2013
Aujourd'hui, je n'écrirais pas dans mon journal. Je n'avais pas assez de temps à consacrer à l'écriture de ces confidences si bien enfermés dans ces quelques bouts de papier et carton. C'était notre anniversaire, et je n'allais rater ça pour rien au monde. Papa me chercherait encore pendant des heures, mais je m'en fichais. J'avais mis une robe spécialement pour l'occasion. Sa robe noire vintage, ses ballerines noires, son rouge à lèvres rouge, son bibi noir. Elle adorait me voir habillée de cette façon, elle me disait toujours « Ma chérie, tu es resplendissante. On dirait une pin-up », avec son sourire bien à elle. Sourire qui me prouvait que j'étais sa fille chérie, sa princesse. « Je savais que je te trouverais ici, Ana. » Cette voix, je la connaissais plus que bien. Celle de mon meilleur ami, le garçon en qui je peux avoir confiance, à qui je confie tout. Le seul qui est au courant de tout ça, que je viens sur la tombe de ma mère le jour de mon anniversaire – notre anniversaire. « Tu me connais mieux que personne », avais-je fait dans un micro-sourire, tandis qu'il s'approchait de moi et me prenait dans ses bras. « Mais je t'avais dit de ne pas venir ici. Surtout quand c'est ce jour-là. » Il s'était contenté d'un léger rire et d'une seule phrase : « Je fais partie de ta vie, et tu fais partie de la mienne. Tu te souviens de ce qu'on s'était dit, il y a dix ans, dans ton jardin ? Qu'on serait là l'un pour l'autre, quoi qu'il arrive. Même s'il s'agit de ce genre d'événements. Surtout quand il s'agit de ce genre d'événements. »
Je ne pouvais qu'être d'accord avec lui. Dans ces moments-là, on désire être seul, mais tout ce que l'on veut vraiment, c'est que quelqu'un soit là pour nous épauler, pour nous soutenir.