Ton histoire n'a rien d'exceptionnel en soi. Tu es né tout bêtement le 25 avril 1992 à Londres, soit 10 ans après ta sœur. Ton père est anglais, ta mère italienne, tu parles donc les deux langues couramment, bien que tu n'aimes pas vraiment l'Italie. Tes parents se sont rencontrés à 16 ans pendant un voyage de ta mère en Angleterre. Ils ne se sont plus jamais quittés. Autant dire qu'ils ont toujours été très proches et complices. Malgré votre différence d'âge, tu t'entends très bien avec ta sœur. Bien sûr, vous avez vos coups de gueule mais ce n'est jamais très sérieux. Une seule chose t'énerve chez elle : son addiction pour la mode. Pour toi, la mode n'est qu'une futilité, quelque chose d'abstrait qui ne montre rien de la personnalité de chacun. Toi tu aimes l'originalité. Elle passait des heures à se préparer alors que tu ne prenais que 10 minutes à tout casser. Tu grandis donc dans cette charmante famille tout à fait normalement. Ton grand-père te fait découvrir la photographie, il te montre comment te servir d'un appareil et te transmet son goût pour l'art et la photo. Tu décides d'en faire ton métier. La photographie est une passion chez toi, comme la musique pour certains, ou la littérature pour d'autres. Tu t'exprimes à travers les photos, trop timide et incertain pour pouvoir réellement t'exprimer au quotidien. Tu as quelques amis mais pas énormément. A cette époque là, tu es sage, tu ne dis rien, tu te contentes de regarder, d'analyser comment fonctionne le monde. Tu entres au collège et tu commences déjà à changer un peu. Tu t'affirmes. Tu rencontres pas mal de gens, des amis avec qui tu peux t'exprimer, tu peux rire, tu peux te lâcher. Tu t'ouvres au monde. Tu te découvres blagueur, tu ris de tout et profite de chaque opportunité pour faire une connerie et amuser les autres. Ce n'est pas pour te faire remarquer, c'est simplement pour t'amuser que tu fais ça. Tu te découvres aussi un goût tu défies. Tu adores qu'on te lance un défi, pensant que tu n'oseras jamais, et voir leurs têtes ahuries lorsque tu relèves le défi avec brio. Dans ta classe, tu te rapproches beaucoup d'une fille, Haily. Tu la trouves très belle, mais quelque chose chez elle te dérange, son regard peut-être, sa façon de voir les choses, tu ne sais pas. Mais ça ne t'empêche pas devenir vite son ami. Tu t'entends très bien avec elle, vous devenez très proches et vous passez beaucoup de temps ensemble. Un jour, elle te présente sa sœur jumelle. Elle semble identiques à première vue mais tu vois tout de suite la différence. Lily n'est pas pareille que sa sœur. Elle n'a pas le même regard, elle semble plus fragile. Vous parlez un peu et tu as le coup de foudre. Tu ne peux t'empêcher de craquer pour elle. Tu n'oseras jamais le dire mais tu es tombé amoureux d'elle la première fois que tu l'as vu. Quand tu la croises, tu es comme hypnotisé. Elle cache sa fragilité, tu le sais. Tu sens qu'elle n'est pas du genre à s'attacher, qu'elle a peur. Alors tu ne dis rien pour ne pas la blesser. Tu as peur de la briser rien qu'avec une phrase. Tu ne la dis pas, tu te tais, ruminant ton mal.
Tu as 15 ans quand ta mère tombe malade. Un cancer. Tu vois sa dégradation autant physique que morale, tu essaies de l'aider, de lui parler, de la choyer tu mieux que tu peux mais tu n'as que 15 ans, tu n'es qu'un gamin. Sa santé se dégrade petit à petit. Tu n'as pas le pouvoir de l'aider. Et ton père ne fait rien. Il reste là, sans rien faire, lui qui l'aimait pourtant. Tu lui en veux. Tu le détestes pour ne rien faire, pour ne pas chercher à la soigner, pour ne rien dire, jamais. Elle finit par se tuer en voiture. Elle a préféré mettre fin elle-même à sa vie. Ton père ne dit toujours rien. Tu le haies plus que tout, tu lui hurles de se bouger mais rien ne fait. Vous ne communiquez plus, tu es un étranger pour ton père. Au même moment, Lily fait une crise, elle se brise elle aussi. Mais elle, c'est autre chose. Elle doit avoir mal depuis tellement longtemps qu'un jour, elle craque pour de bon. Elle s'effondre, elle se déchire devant tout le monde. Elle est envoyée dans un hôpital psychiatrique. Tu as mal comme jamais. Du haut de tes 16 ans, tu te brises toi aussi. Tout ton monde se fissure. Tu retenais tout autrefois, maintenant tu te libères. Tu commences à fumer, à mal tourner aussi. Tu bois beaucoup durant cette période. Tu te montres plutôt faible. Tu décides d'aller la voir, elle, celle à qui tu ne peux pas tout dire. Tu sembles être sa seule visite. Elle est la seule à laquelle tu peux te raccrocher, comme si tu vivais pour elle, comme si sa guérison était plus importante que tout en ce monde. A chaque fois que tu la vois, tu lui demandes de se battre, tu la supplies même. Tu veux qu'elle aille bien, plus que tout. Elle sort au bout d'un an et t'évite. Tu ne la vois plus, ou presque. Tu ne sais pas pourquoi elle ne veux plus te voir mais tu laisses faire. Si c'est dont elle a besoin pour aller bien... Tu continues ta vie sans cesser de veiller sur elle, de loin, sans rien dire ni rien faire, juste la surveiller. Tu sais qu'elle continue ses conneries, mais tu ne peux pas l'en empêcher, parce que si tu le fais, elle pourrait bien se briser encore. Tu la laisses faire.
A 17 ans, tu ne supportes plus la présence de ton père. Tu décides de partir. Tu vis maintenant chez ta sœur avec son mari que tu n'aimes pas mais que tu supportes juste pour pouvoir manger et dormir chaque jour. Tu finis le lycée, ne lâchant pas Lily des yeux. Tu sais que sa sœur lui fait mal, tu sais qu'elle est malsaine et que Lily étouffe. Tu voudrais pouvoir l'aider. De toutes tes forces c'est ce que tu veux. Tu t'en fous de mourir, tu t'en fous. Si elle te demande de sauter, tu sautes. Tu ferais tout si ça pouvait lui redonner le sourire. Un vrai sourire. Un seule. Tu l'as déjà vu un jour, son vrai sourire. Tu t'en rappelles. Il t'avait marqué. Elle est si merveilleuse quand elle sourit comme ça. Vous entrez dans la même fac, dans la même spécialité. Pas vraiment par un fait exprès, juste parce que vous partagez la même passion. Tu es décidé à changer les choses, tu lui avoueras un jour. Tu l'aideras à se battre, tu seras son soutien. S'il le faut, tu détruiras sa sœur. Tu sais que jamais elle ne pourrait vouloir ça, mais tu es capable de tout. Tu n'aimes pas ce qu'elle devient par sa faute. Elle s'autodétruit sous tes yeux. Tu as bien l'intention de l'aider, coûte que coûte. Et toi dans tout ça, tu t'oublies peu à peu. Tu te drogues aussi, juste pour tenir. Tu continues à fumer bien sûr, il te faut bien ça. La voir ainsi avec d'autres hommes, la voir se faire mal te détruit toi aussi. Tu as bien l'intention de te sauver toi-même en même temps que de la sauver elle.