15 Mars 2007.
Ils se sont encore disputés, devant moi. C'était la fois de trop, je suis partie dans ma chambre en pleurant. Je ne sais pas pourquoi ils se disputent tout le temps comme ça, et j’ai l’impression que c'est de ma faute. Je me sens très mal. Et seule aussi. Est-ce dû au fait que je ne vais plus au collège ou autre chose ? Était-ce dû au fait que je me suis teint les cheveux en plusieurs couleurs en cachette ? J'ai besoin de savoir. J'ai l'impression qu'ils me cachent quelque chose. Je ne me sens pas à l'aise ici. Ni ailleurs. Je crois que maman veut me renvoyer de la maison parce que je l'a "bouffe" moralement. Jessalyn est visiblement d'accord avec elle. Elle m'a frappée et j'ai dû faire passer mon énorme hématome pour une simple chute. Chrystal vient d'arriver. Elle n'a que 5 ans, mais c'est sûrement la petite sœur la plus jolie du monde, et celle qui me réconforte le mieux. Je n'entends plus rien en bas. Visiblement ils ont arrêté de se disputer. J'en peux plus de pleurer pour des choses que l'on me cache. J'ai 11 ans, déjà. J'ai l'horrible impression que l'on prend pour une gamine, qui ne sait rien, ne comprends rien, et ne vit pour rien. Jessalyn le pense elle déjà. Elle a 17 ans et c'est un véritable enfer de vivre avec elle. Je crois qu'ils montent. Je reviens.

Ils sont venus me voir. Je suis détruite, à jamais. Ils m'ont caché tant de choses en 10 ans. En 10 ans. Et bien évidemment tout le monde est au courant, sauf la principale concernée. J'ai mal. Terriblement mal. Je me sens trahie, trahie par tous ceux en qui j'avais donné ma plus grande confiance. Mon "père" pleurait. Quand j'écris ces lignes, je pleure aussi. J'aurais préféré ne pas savoir. Papa est arrivé vers moi, et c'est lui qui m'a annoncé qu'en fait, je n'étais qu'une fille aux parents inconnus qu'ils avaient adoptée quand elle avait un an. J'ai hurlé. J'ai frappé Maman au visage, car elle tentait de me calmer en m'hurlant dessus. Je suis dehors, dans la ville à côté de chez nous. Je ne pense pas que je rentrerais. Les mensonges, surtout sur nous-mêmes, sont les pires à pardonner et à vivre. Ainsi qu'à accepter.  Je donnerais n’importe quoi pour comprendre ce qu’ils pensaient en me cachant tout cela. Je parie que si je n’avais pas été au plus mal, rien de tout ça ne m’aurait été révélé. Je suis mal. Je ne sais pas où aller. Ecrire dans ce journal me fait grand bien.
A bientôt, je l’espère.


8 Juillet 2013.
Quand je relis ce journal, je vois que ma vie n’a eu que des changements. Cela fait longtemps que je n’ai pas écrit. C'est Maman qui m'a redonné ce journal, en m'assurant qu'elle ne l'avait pas lu. Néanmoins, des larmes toutes fraîches se trouvent sur cette page, indiquant qu'elle l'a finit, et qu'elle a pleuré. Papa est malade. Un cancer, avaient dit les médecins. En phase terminale. Malheureusement, nous n'avons jamais été riches. Mes deux parents tenaient un salon de tatouages, qui, à leur époque, était très connu. Mais les affaires ont vite baissé au fil des années. Au point où le salon était devenu désert, comme si le temps avait effacé leur talent, ce qui n'était pas le cas. J'ai fini le lycée. Je suis à l'Université. J'ai bossé pour payer mes études, j'ai fais des boulots plus pitoyables que n'importe quoi, et c'est horrible. Me relire, me revoir quelques années auparavant. Et voir que ma façon de penser n'a guère changé. J'avais quitté la maison pendant une semaine, me réfugiant chez une tante, qui n'avait pas mis au courant mes parents. Ils m'en ont voulu. Énormément. Mais qu'attendaient-ils d'une gamine de 11 ans, dont un secret l'a concernant lui a été caché pendant 10 longues années ? Que je leur disse « c'est pas grave, je vous aimes. » ? C'est impossible pour moi. J'attends toujours de savoir qui sont mes parents. Je souffre intérieurement.

Mon père est tombé malade. Un cancer. En phase terminale, détecté beaucoup trop tard. Chaque jour qui passe est un jour de chance pour lui. Ma mère n'avait pas assez d'argent pour payer tous les médicaments dont il avait besoin. J'ai volé ces médicaments. En grande quantité. C'est encore ça qui l'aide. J'ai été prise au sac, ne partant pas assez tard.

D’après le médecin de la famille, je suis agoraphobe*. Je me bats contre cette phobie tous les jours, mais j’ai la volonté de réussir. Mon expression est l'art, le dessin, la photographie. Je n'ai pas changé d'un poil. Mes cheveux sont toujours colorés, de toutes les couleurs parfois. C'est bien pour cela que je suis à L'University Of Arts. Les arts sont ma passion. J'y vis actuellement, n'ayant aucun job pour le moment.

Il se fait tard. Il est bientôt une heure du matin
A bientôt.

*L'agoraphobie est une névrose phobique correspondant à la peur des lieux publics, des espaces ouverts, et par extension, de la foule.