Assise sur la table, je regarde la caméra posée à côté de moi en balançant doucement mes jambes dans le vide. Les cours n’ont pas encore commencé, mais comme j'ai dit à ma mère que je passais la nuit chez une amie et pas que j'allais faire la fête, j'ai préféré venir ici au lieu de rentrer à la maison et risquer de la croiser. La nuit a été longue et terriblement éprouvante ; je n’aurais pas dû boire autant une veille de cours, j’ai l’impression d’être encore ivre. Il paraît que je déconne complètement. Peut-être, je n’en sais rien. Je profite de ma jeunesse pour m’amuser, même si à ce niveau-là je m’en prends carrément à ma santé. Depuis que papa et Chanel sont venus en ville, c’est encore pire. Maintenant je bois même pour supporter leur présence, ou alors je fume et parfois je vais même jusqu’à l’ecsta. Ça me permet d’être presque heureuse de les voir. Tout est beau sous ecstasy. Je m’empare de la caméra et jette un coup d’œil aux dernières choses que j’ai filmé, pour tuer le temps. Y a ce sac plastique qui vole à cause du vent, il a l’air de danser. Y a aussi cette petite fille qui court et fait voleter ses cheveux bruns et sa robe bleue. Ou encore mes collègues et moi qui dansons, entre deux shootings, pour nous défouler. La porte s’ouvre et je tourne lentement la tête. Un sourire fin se dessine sur mes lèvres. « Salut, Ashley. » je lance, avant de me détourner. Ashley, c’est le mec trop gentil par excellence. Il me surprend constamment, mais ça arrive presque à m’énerver qu’il soit aussi gentil. L’être humain mérite qu’on le méprise, pas qu’on le respecte. Il va se faire marcher dessus un jour, et ça va le détruire. Mais bon, j’ai beau lui balancer dans la figure, ça n’arrange pas les choses. « Dis, pourquoi tu fais cinéma, toi ? » je demande distraitement. « Moi je crois que filmer c’est devenu plus important que mon cerveau. Je veux dire, je finirai par oublier tout ce que j’ai vu de beau, alors qu’avec ça, je m’en souviendrai toujours et les autres aussi. » J’essaye de réfléchir à ce que je viens de dire, je glousse nerveusement et je pose la caméra à mes côtés avant de me relever et lui faire face, bras croisés. Je dois avoir l’air stupide, avec mon sourire niais et figé qui en dit long sur la nuit que je viens de passer. « Désolée je dis n’importe quoi, je suis claquée. T’as passé un bon week-end ? » je m’enquis en m’inspectant les ongles. L’un d’eux est cassé. Et là, c’est l’effroi. Je fronce les sourcils, prête à tout casser. Si quelqu’un me fait une remarque à ce sujet, je pète un plomb. Je passe une main dans mes cheveux, je tire sur ma jupe en cuir un peu trop courte et arrange mon chemisier blanc ainsi que ma veste noire. Je dois puer l’alcool, je pense finalement rentrer me coucher. Mais d’abord, je discute un peu avec lui. Sa présence me fait du bien, même si je ne sais pas si je m’entends bien avec Ashley ou non.